blog

NEWS

"Paul Troubetzkoy. Le Prince sculpteur" an exhibition at the Musée d'Orsay

L’actuelle exposition au Musée d’orsay « Paul Troubetzkoy. Le Prince sculpteur »  met en lumière un sculpteur trop souvent considéré uniquement comme « le maître-conseiller de Rembrandt Bugatti ». Il s’agit de la première rétrospective du maître en France et du second ouvrage monographique en langue française sur sa carrière, après celui de Guy et Matthias de Labretoigne en 2023.

Né à Milan en 1866, Paul Troubetzkoy est issu d’une famille noble d’origine russe. Il s’initie à la sculpture au gré des fréquentations familiales, notamment auprès de Giuseppe Grandi, avant d’établir son propre atelier en 1885.

Le parcours de l’exposition, qui se veut monographique, se décline ainsi de manière chronologique et thématique, de l’enfance italienne à l’Empire russe, puis les terres américaines. Cette sélection éclectique, de sujets de toutes périodes, a pu être constituée grâce aux prêts exceptionnels du Museo del Paesaggio de Verbania, institution regroupant le plus d’œuvres du maître (environ 340 sujets provenant du fonds d’atelier, donnés par Luigi Troubetzkoy, frère de l’artiste). On compte aussi plusieurs prêts de collections privées européennes. La part belle est laissée à la spécialité de Troubetzkoy, les portraits de ses contemporains, particulièrement habiles à rendre les volumes textiles et semblant donner une existence propre aux fourrures, tulles et crinolines avec une forme d’instantanéité. Cette galerie de portraits aux personnages italiens, français, russes et americains est mise en perspective avec de sublimes portraits peints de la même période, tels l’espagnol Sorolla ou encore l’italien Boldini dont le célèbre Comte Robert de Montesquiou.


On découvre également une section concernant ses travaux pour des sculptures monumentales, plus rarement étudiées. Cet aspect prend une résonnance particulière lorsqu’il œuvre en Italie, jeune République explorant ses grandes figures nationales pour forger une identité nouvelle. Troubetzkoy propose ainsi un projet de monument à Dante pour la ville de Trente en 1893, une époque où Rodin travaille à son Balzac dont l’aspect monolithique n’est pas si éloigné de la silhouette du poète florentin ici présenté.

L’échelle monumentale est encore au cœur de son ouvrage en terres russes, lorsqu’il reçoit la commande de l’empereur Alexandre III à cheval, suite au concours de 1899. Il vient alors de représenter Tolstoi, buste à l’idée presque homérique, s’inscrivant dans la tradition naissante de représentation de l’artiste dépassé par son génie, une image que l’on retrouvera aussi chez Rodin puis chez Bourdelle.                                 

Au sein de l’histoire de la sculpture dite impressionniste, si Degas semble avoir occulté la place de ses collègues et contemporains aux yeux de la postérité, Troubetzkoy offre une autre alternative en devenant un jalon vers l’œuvre de Rembrandt Bugatti mais aussi Guido Righetti. A la fois admiré de Rodin et si différent dans son approche – Troubetzkoy présente une aristocratie aux apparences évanescentes quand Rodin explore les mouvements de l’âme – le maître milanais peut être considéré comme un témoin de son temps dans ses contradictions traditionnelles et ses accès novateurs, un sculpteur assistant finalement à la naissance des avants gardes, du futurisme à l’Art Deco. La scénographie de l’exposition laisse aussi un espace à des intérêts personnels qui offrent des résonnances à notre époque : en effet le sculpteur est un pionnier du végétarisme, prônant son amour des bêtes par la multitude de compagnons canins qu’il représenta. Cet engagement donna naissance à l’une de représentations des plus inédites pour l’époque : le dévoreur de cadavres, contre la loi de la nature et selon la loi de la nature, comparaison définissant la bestialité.  

L’exposition retrace ainsi la vie et la carrière, de l’homme et du sculpteur, dans toute sa complexité, qui aurait été sans doute encore plus prégnante avec une mise en perspective comparative ou thématique d’autres sculpteurs mondains de cette époque, comme Prosper d’Epinay.

CHAMPY-VINAS Cécilie, CUCCINIELLO Omar, DESMAS Anne-Lise, PAPET Edouard (dir.), "Paul Troubetzkoy (1866-1938) Le Prince sculpteur", catalogue d'exposition (Paris, Musée d'Orsay, 30 septembre 2025 - 11 janvier 2026), Paris, Musée d'Orsay et Musée de l'Orangerie / Rome, Officina Libraria, 2025. 

Dr. Charline Bessiere