François POMPON

Né à Saulieu en 1855 dans un milieu d’artisan, son père est menuisier-ébéniste, Pompon témoigne d’un gout et d’un talent précoce pour la sculpture puisque le curé de sa ville natale lui obtient une bourse à l’âge de quinze ans pour étudier l’Art à Dijon. Il y suit alors les cours du soir de l’École des Beaux-Arts, en architecture, en gravure et en sculpture, et pour assurer son quotidien travaille comme apprenti chez un marbrier funéraire. Après la Guerre de 1870, l’économie française est en berne et Pompon échoue à obtenir une nouvelle bourse demandée à Paris cette fois. Qu’à cela ne tienne, il rejoint quand même la capitale en 1875, et grâce à sa volonté et à son talent de tailleur de pierre, il trouve un emploi dans une entreprise funéraire du cimetière Montparnasse. Il suit alors les cours du soir de la Petite École, celle des Arts appliquées, où se sont formés avant lui Carpeaux, Dalou, Charles Garnier et Rodin etc.  Pour assurer son quotidien, il devient rapidement praticien chez des sculpteurs où il apprend les techniques du métier et à partir de 1878, il envoie régulièrement au Salon, portraits, bustes et figures. Dès lors, Pratique et Art vont constituer l’essentiel de son existence.  Parmi ses premières réalisations importantes, la Cosette de 1888, dans l’esprit du temps, est la plus souvent exposée et la seule éditée, celle dont il espère qu’elle va être le démarrage de sa carrière. Mais hélas, malgré les recommandations de Falguière, Mercié et Rodin, le modèle ne s’impose pas et l’Etat refuse de l’acquérir par trois fois, même lorsque le marbre est exposé au Salon de 1898.  Cet échec ne le décourage pas et puisque le succès n’est pas au rendez-vous, il continue de se consacrer à la sculpture des autres, et la pratique pour ses confrères devient alors son quotidien jusqu’à l’âge de soixante ans. Homme simple et d’un naturel heureux, il se satisfait de cette situation car il n’est ni intriguant, ni ambitieux comme bien de ses confrères. Il travaille ainsi pour des académiques comme Falguière, Puech ou Mercié, et aussi pour Camille Claudel dont il taille le périlleux onyx de la Vague et le Persée en marbre. Et surtout, il œuvre pour Rodin, sur le Balzac notamment, et devient son chef d’atelier en 1893. Mais Rodin est compliqué, paye peu et mal, et Pompon s’échappe pour aller chez Saint-Marceaux. Celui-ci l’emploiera jusqu’à sa mort en 1915 ; il entretient d’excellentes relations avec le couple Saint-Marceaux qui le reçoit souvent l’été à Cuy, avec sa femme Berthe. C’est à Cuy et dans ses environs,  où il finit par acheter une maison, qu’au tournant du siècle, il prend l’habitude d’observer les animaux de basse-cour et d’acheter une maison. Il se tourne ainsi presque naturellement vers la sculpture animalière, sûrement encouragé en cela par l’intérêt qu’ A.A.Hébrard, l’éditeur du tout jeune Bugatti, porte à son travail quand sa Galerie présente en 1906 le premier bronze de la Poule Cayenne au Salon des Artistes Français. Mais Pompon, qui est un homme prudent, continue de se consacrer à la pratique pour Saint-Marceaux dont il est devenu chef d’atelier ; et probablement est-ce pour cette raison qu’il ne produit que quelques études d’animaux jusqu’à la Guerre de 1914, modèles néanmoins exposés par la Galerie Hébrard. La Première Guerre Mondiale porte un coup d’arrêt aux commandes publiques, au marché de l’Art et aux Galeries. Pour survivre, Pompon est employé à la Samaritaine ou obligé de porter des sacs de sable pour protéger les statues de Paris, c’est la misère... C’est pourtant durant cette période, dans la modernité naissante du XXe siècle, qu’il conçoit son bestiaire construit avec sa vision propre de la relation entre mouvement et forme en sculpture, c’est le mouvement qui détermine la forme disait-il. Il se souvient aussi du Balzac de Rodin sur lequel il a travaillé : construire la forme à partir du sujet, en rechercher l’abstraction et supprimer l’anecdote. Dès lors, avec l’Ours blanc comme œuvre iconique, son bestiaire épuré, le bestiaire du lisse, avec les mouvements du lisse, ses incisions et ses reliefs, est en plein essor. La vitalité de son art deviendra encore plus éclatante quand il prendra conscience de l’importance des agrandissements qui pourraient être généralisés à tous ses modèles comme le Pélican, le Taureau, le Grand cerf et l’Hippopotame.  Aura-t-il le temps nécessaire ?  Mais le plus étonnant est sur le plan sociétal, car cet homme simple de 67 ans, qui a connu bien des échecs et souvent une vie difficile, est devenu après le Salon de 1922 celui qui rassemble les jeunes sculpteurs animaliers. Ils le reconnaissent comme un maître de cet Art ; et ceci au détriment de Georges Gardet qui, jusqu’à la première Guerre Mondiale, par l’ampleur de son grand Œuvre monumental, pouvait se considérer pourtant comme le seul successeur de Barye et de Frémiet.  Salué par la Critique et comblé d’honneurs, presque riche, mais malade dans ses dernières années ce qui le ralentit dans sa création, Pompon s’éteint le 6 mai 1933. Il lègue son œuvre à l’Etat - sans condition - qui lui attribue une salle au muséum d’Histoire Naturelle et l’expose dans les musées, tandis que le Salon d’Automne lui consacre une rétrospective. Dès lors, l’intérêt ne cesse de se développer autour cette œuvre bâtie en une vingtaine d’années par un sculpteur qui a fait le choix de la modernité dans les vingt dernières années de sa vie, ce qui semble sans équivalent dans l’histoire de cet Art.

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