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Auguste PREAULT ( 1809 - 1879 )

CADRE DE HUIT MÉDAILLONS (1856-1863)

Rachel ; Xavier Sigalon ; Henriette Smithson ; Jules-Robert Auguste ; Paul Meurice ; Palmyre Meurice ; Louise Astoud-Trolley ; Adèle Hugo
Plaster, with green brown patina, like bronze color
H : 142 ,2cm, L : 278,8 cm, D : 9 cm
A set of eight colossal medallions, in their original wooden frame, conveiced by the artist for the Exposition Nationale des Beaux-Arts in 1863. Provenance : collection Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington.  
Circa 1856-1863
 

Ce relief colossal, Cadre de huit médaillons, est d’une totale originalité par ses dimensions et par son esprit, car nous n’en connaissons pas d’autre de comparable [1] dans l’Histoire de la Sculpture. Cet ensemble qu’on imagine parfaitement en « monumental d’extérieur », le long d’un mur sans fin, peut être vu comme la version calme, l’équivalent intimiste de la Tuerie [2] du Salon de 1834 ; ce dernier est lui un concentré de violence, avec ses sept têtes d’expression.

Les Reliefs – Préault a pendant toute sa carrière un grand respect pour David d’Angers, chez qui il s’est en partie formé, avant que ce dernier ne devienne son soutien et son protecteur. Ceci peut expliquer l’importante collection de médaillons réalisée dans les dimensions de ceux de David. Les portraits de Préault, au nombre d’une soixantaine [3], sont haut en couleur et avec des modelés profonds. Le musée de Lille en conserve quarante achetés par l’État à l’artiste au Salon de 1870.

Le colossal – Préault, qui parle haut, qui aime les oppositions « viriles [4] », est tout naturellement porté à l’équivalent en sculpture. Luc Benoist rapporte que c’est un intervenant actif de la bataille d’Hernani : " C’est lui qui au cours de la soirée, lança du haut de la galerie […] sur l’orchestre pavé des crânes académiques « à la guillotine les genoux »". Le colossal est l’équivalent en sculpture ; parmi les Romantiques, il est celui qui l’a pratiqué le plus spontanément.

Victor Hugo – Ami de Gautier et de Dumesnil, Préault est un mondain et fut un fidèle soutien du poète dont les pièces le passionnaient. Il n’en était pas proche mais lui demandait souvent des places pour assister aux représentations. Le sculpteur fréquentait davantage sa femme Adèle [5], ici portraiturée dans cet ensemble.
Pour l’ambiance hugolienne et l’étude des personnages, nous renvoyons à la notice fort complète du catalogue raisonné. Nous retiendrons le médaillon de l’actrice Rachel [6] pour la composante théâtrale souvent présente dans les sculptures de Préault. Et aussi celui du peintre Xavier Sigalon [7] qui lui fait face, pour souligner l’influence de Michel Ange, dont les musculatures masculines et féminines, souvent jugées outrancières, sont les plus représentatives. Cela fut notamment reproché à Préault dans la première version du Christ de l’église Saint-Gervais à Paris.

Lors de la bataille d’Hernani, Préault a tout juste 21 ans et son œuvre à faire. Sa sortie contre l’Académisme va compliquer le démarrage de sa carrière, car au Salon de 1834, à part la Tuerie, acceptée comme l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire, quatre plâtres, dont son premier médaillon colossal et taillé profond du Vieil empereur romain, Vitellius [8], sont refusés.

Une trentaine d’années plus tard, le romantique fougueux s’est assagi mais conserve toujours ses «deux qualités maîtresses : l’originalité qui étonne et la couleur qui attire» [9], les portraits de ce Cadre de huit médaillons, modelés puissants mais profonds, en sont le parfait exemple.
Les modèles sont tous identifiés, placés deux à deux en harmonie face à face et quatre à quatre pour l’effet de nombre. Le caractère s’efface au profit de la forme qui présente une unité d’ensemble.

La question qui subsiste est le pourquoi de cet ensemble, pourquoi la représentation colossale de ces huit personnages de la société hugolienne ? Il renvoie au même pourquoi sur la violence de la Tuerie, inexplicable par ce que l’artiste donne à voir. Cet inexplicable, cet indéfinissable fait de Préault le plus romantique des romantiques ; et ce cadre, par le mystère qu’il comporte, nous apparait comme une de ses pièces importantes qui, après avoir été pendant une cinquantaine d’années dans les collections du Hirshhorn Museum [10], est une de ses rares œuvres encore en mains privées aujourd’hui [11] .








[1] L’ensemble des quarante médaillons du musée de Lille, démantelé aujourd’hui, n’est pas de la même nature, ce sont des portraits de petites dimensions (entre quinze et vingt de centimètres de diamètre), comparables à ceux de David D’Angers.
[2] Pendant longtemps, elle fut exposée en extérieur, « contre un mur de la cour du musée de Chartres, entouré de lierre qui envahit légèrement son fond » (Luc Benoist, La sculpture romantique). Aujourd’hui après avoir été longtemps remisée dans un placard derrière une porte, elle est à nouveau exposée au musée, et en intérieur. Ce haut relief, avec ses sept têtes d’expression pressées les unes contre les autres et sans relation apparente entre elles, peut être vu comme un concentré de violence dans l’espace et dans le temps, comme suggéré par le titre des livrets du Salon de 1834, Tuerie, fragment épisodique d’un grand bas-relief
[3] Ceux de David approchent les cinq cents.
[4] Auguste Préault disait « Moine est la femelle, je suis le mâle ».
[5] La troisième du bas en partant de la gauche.
[6] La première du haut en partant de la gauche.
[7] La fresque du Jugement dernier de Michel Ange anime l’école romantique, et Stendhal est le premier en 1834 à suggérer d’en faire faire une copie pour la rapporter en France. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Adolphe Thiers, et Alexandre Dumas proposent à Eugène Delacroix de la réaliser. Celui-ci décline l’offre et propose Xavier Sigalon (1787-1837) qui accepte, celui-ci réalisant une toile de trois laies à peine plus petites que l’original. Elle fut tendue dans la chapelle de l’École des Beaux-Arts en 1837.
[8] Le médaillon sera envoyé et accepté trente années plus tard au Salon de 1864 et acheté par l’État en bronze au Salon de 1870.
[9] J.Salmson, Entre deux coups de ciseaux, Préault et l’école de l’imprévu.
[10]Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington.
[11] Les œuvres de Préault sur le marché sont d’une extrême rareté, une quinzaine dans les trente dernières années, essentiellement des œuvres mineures ou des reliefs en plâtre du Silence. La raison en est que, durant sa carrière, il a principalement sollicité des commandes monumentales, souvent aidé en cela par David d’Angers, ou des achats de l’État, – aucune édition comme Barye par exemple – ce qui explique le corpus aussi restreint.
 

Auguste PREAULT